Curiosità: l’hymne français a-t-il été composé par un Italien ?

Curiosità: l’hymne français a-t-il été composé par un Italien ?

De tous temps, les écoliers se souviennent que la Marseillaise fut écrite et composée en une seule nuit (du 25 au 26 avril 1792) par Rouget de Lisle, capitaine du Génie, à la suite de la déclaration de guerre de la France à l’Autriche du 20 avril 1792.

Si son génie militaire était reconnu, qui pourrait donc croire au mythe d’une création spontanée inspirée par le Ciel en une simple nuit, vu la complexité harmonique et instrumentale de l’hymne français ? Ainsi, pour le génie musical, peut-être conviendra-t-il de repasser…

Une musique aux origines contestées…

La genèse de l’hymne est ainsi présentée sur le site de l’Internaute : « [Le] 30 juillet 1792[, l]es volontaires Marseillais de l’armée révolutionnaire entrent à Paris en chantant le Chant de guerre pour l’armée du Rhin. La chanson, vite rebaptisée Marseillaise, a[urait] été composée par l’officier Claude Joseph Rouget de Lisle quelques mois plus tôt [début 1792] ».

En réalité, il n’en serait rien puisque, si déjà le texte était « fortement inspiré d’une affiche apposée […] sur les murs de Strasbourg par la Société des amis de la Constitution qui débutait par : “Aux armes citoyens, l’étendard de la guerre est déployé, le signal est donné. Il faut combattre, vaincre ou mourir. Aux armes citoyens… Marchons…” », l’origine de la musique est plus discutée, car elle ne fut pas signée (contrairement aux autres compositions de Rouget de Lisle).

Un parent de ce dernier évoqua que l’hymne aurait été inspiré par un chant protestant de 1560 exécuté lors de la conjuration d’Amboise (ce dont nous n’avons pas retrouvé la trace).

… dont les premières notes auraient été anticipées par Mozart en 1786 et 1791 ?

Dès 1786, l’Allegro maestoso du concerto pour piano n° 25 de Mozart (ci-contre) annonce les premières notes de la Marseillaise avant de basculer vers un mode mineur.

En 1791, plusieurs airs de sa Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) rappellent l’hymne français. Jugez par vous-même ci-dessous !

Air de Papageno

Comparatif entre la Flûte enchantée et la Marseillaise

… à moins qu’elle n’ait été composée par un Breton en 1787 ?

Encore plus curieux, en entendant le début de l’Oratorio Esther, intitulé « Stances sur la Calomnie », composé par Jean-Baptiste Lucien Grisons en 1787, l’on pourrait y reconnaître notre hymne à s’y méprendre.

Si celui-ci n’a jamais revendiqué la paternité de La Marseillaise, peut-être avait-il des raisons politiques de se montrer discret…

D’ailleurs, il aurait très bien pu remanier son oratorio par la suite en y intégrant un passage inspiré par La Marseillaise, devenue un thème populaire.

… ou par un violoniste italien dès 1781 !

Il y a quelques années, en travaillant sur l’ensemble de l’œuvre du compositeur Giovanni Battista Viotti, le violoniste et chef d’orchestre Guido Rimonda retrouve deux partitions du Tema e variazioni in Do maggiore que l’orchestra Camerata ducale di Vercelli interprète ci-dessous :

La date inscrite sur les deux manuscrits signés par Viotti fit naître la controverse : le 2 mars 1781, soit onze ans avant celle de Rouget de Lisle !

Si la signature du compositeur a bel et bien été authentifiée par Warwick Lister, spécialiste canadien de Viotti, celui-ci remet au cause l’authenticité de la date, car vraisemblablement ajoutée par une main différente que celle de Viotti. Il émet donc l’hypothèse qu’elle aurait pu être rajoutée par un faussaire au début du XIXe. Peut-être, mais à quelles fins ?

D’autres rapprochent cette partition des Six Quatuors d’airs connus dialogués et variés (Quartetti d’archi), une autre œuvre attribuée à Viotti possiblement composée autour de 1795 qui serait, de fait, postérieure à l’hymne de Rouget de Lisle. Elle contiendrait (nous n’avons pas trouvé d’enregistrement) des variations sur le thème de la Marseillaise dont trois correspondraient, pour la critique, à celles du manuscrit Rimonda.

Dès lors, bien malin qui saurait prouver que l’œuvre aurait pu être inspirée par Rouget de Lisle ou reprendrait simplement les notes de l’une de ses propres compositions antérieure, Tema e variazioni in Do maggiore, élaborée dix ans plus tôt.

Mais un spécimen de la partition, conservé à la British Library, comporterait une mention attribuée (?) à Viotti près de la portée du premier violon: “Non ho mai composto i quartetti qui di seguito” (“Je n’ai jamais composé les quatuors ci dessous”). Et quid du Tema de 1781 qu’ils reprennent ?

S’il avait toute légitimité pour rejeter une œuvre qui ne fut jamais sienne, n’avait-il pas autant intérêt à renier l’une de ses compositions devenue embarrassante sur le plan idéologique, afin de se mettre à l’abri des représailles dans une Angleterre en proie aux idées anti-révolutionnaires ?

Sauf que, pour en revenir à l’énigme de la partition Tema e variazioni in Do maggiore, deux partitions différentes avec une mention de 1781 co-existeraient. De plus, les analyses chimiques du papier et de l’encre, par le laboratoire du professeur Filippo Perrucci, remonteraient bien au XVIIIe siècle. Dommage qu’aucune analyse graphologique fiable n’ait pu être lancée ! Le mystère qui entoure la paternité de l’œuvre est loin d’être levé.

Qui était Giovanni Battista Viotti ?

Né le le 12 mai 1755 à Fontanetto Po (province de Vercelli), ce violoniste et compositeur italien fut directeur de l’Opéra de Paris (de 1819 à 1821), ainsi que du Théâtre italien (1821-1822).

Considéré comme l’un des initiateurs de la technique violonistique moderne, son œuvre comprend (outre de la musique de chambre) 29 concerti pour violon et 10 pour piano. Il collabora en 1785 avec Mozart qui le tenait en grande estime.

Virtuose très apprécié, il voyagea dans toute l’Europe. On le retrouve à Paris à partir de 1782 où il fut au service de la reine Marie-Antoinette et dirigea le théâtre de Monsieur (rebaptisé, plus tard, théâtre Feydeau).

Menacé par les Révolutionnaires à partir de juillet 1792, en dépit de toute accointance politique, car coupable d’être étranger et ami avec la reine, Viotti abandonna la direction du théâtre et s’enfuit à Londres. Ironie du sort, il y sera accusé d’embrasser les idées révolutionnaires et s’exila quelques années à Hambourg avant de revenir à Londres où il décéda le 3 mars 1824.

Peut-être ne revendiqua-t-il jamais la paternité de l’hymne français afin d’éviter tout ennui engendré par une récupération politique de sa musique en ces années de troubles.

Pour prolonger le débat, les plus curieux pourront regarder ce documentaire culturel de Voyager.